dimanche 9 mars 2014

Des hauts … et des bas !

Après plus d'un an de vie et de voyage en bateau, il est une chose que nous pouvons confirmer : " les sentiments sont exacerbés".
Les hauts sont positivement intenses : découverte de nouvelles cultures, rencontres humaines improbables mais toujours enrichissantes, rythme non soutenu par d'autres obligations que celles que nous nous imposons.
Quant aux bas, eux aussi vous poussent à aller chercher courage et ténacité au plus profond de vous-même afin de relever certains défis et d'en ressortir grandis.

Après l'escale Brésil qui nous aura laissé des souvenirs impérissables, nous larguons les amarres pour la Martinique.
Le plan était de s'arrêter quelques jours à Lençois de Maranhenses  (au nord du Brésil). Malheureusement, le jour du départ, le moteur fait des siennes et cale…
Après vérification, la panne est trouvée : le décanteur à gasoil a cassé. Il nous faudra repousser de deux jours le départ afin de pallier au problème. 
Ce sera cependant l'occasion de partager un dernier moment de fête avec nos amis pour l'anniversaire de Bernhard.
Il est toujours difficile de partir quand des liens uniques se sont créés avec les autres équipages de l'escale. C'était donc un mal pour un bien de profiter de ces derniers instants ensemble.
Mais nous avons un rendez-vous aux Antilles le 5 mars avec les parents de Pierre. Nous ne pourrons donc pas prolonger l'étape brésilienne avec le Carnaval qui approche même si nos amis nous tannent un peu…
Nous avons déjà moins de temps que prévu pour parcourir les 2100 miles nautiques qui nous séparent de la Martinique.
Nous décidons donc de partir le lendemain, un vendredi (une ineptie pour les marins superstitieux !!!!!) et d'abandonner l'escale Lençois même si nous ne reviendrons pas de sitôt.
D'après nos calculs, cela nous permettra d'arriver une petite semaine avant le 5 mars. Nous pourrons ainsi récupérer un peu et faire un brin de toilette à Avocet pour recevoir nos invités.

Mais toutes ces prévisions étaient sans compter les paramètres aléatoires que sont les conditions climatiques !!
Bien sûr, nous vérifions comme toujours la météo avant de partir pour s'assurer des meilleures dispositions. Cependant, des effets très localisés peuvent se produire… Et nous en avons fait les frais !

La traversée jusqu'aux Antilles devait prendre un peu moins de 15 jours. Ce sera finalement une période de 12 jours au total qui sera marquée dans nos mémoires pour un certain temps.
La pluie ne nous a pas quittés les 8 premiers jours avec des moments d'accalmie mais surtout de gros grains blancs que nous ne connaissions pas jusqu'ici. Toujours entendu parlé mais jamais testé ! C'est chose faite.
Ce sont des pluies diluviennes qui s'abattent en quelques minutes accompagnées de rafales de vents. Des pointes à 45 noeuds en ce qui concerne cette traversée. Chaque grain durant plusieurs heures, nous n'avons pas eu d'autre choix que de réduire les voiles au maximum et d'attendre au chaud…
Mais nous étions dans une zone à fort courant à la limite du plateau continental. D'où une variation brutale de la profondeur de 200 à 2000 mètres. Ajouté un peu de vent sur tout ceci et vous obtenez une mer bien formée qui nous a tenu lieu de montagnes russes. Le pilote auto n'a pas du tout apprécié le phénomène et décrochait à la moindre occasion.
Sortir dans le cockpit pour le reprogrammer devenait une habitude mais aussi un calvaire tant les conditions étaient inconfortables et d'autant plus amplifiées la nuit. 3 ris dans le foc plus la trinquette (pas de grand voile) et Avocet filait à 9.5 noeuds de moyenne. Du jamais vu !!!

Une nuit que nous pensions enfin plus calme car il s'était arrêté de pleuvoir, les alizés ont soufflé à 35 noeuds établis. Là-aussi, les quarts de nuit devenaient difficiles. Même si nous avons essayé de maintenir des veilles de 4 heures chacun, dans ces conditions, le deuxième équipier ne dort pas forcément car trop bruyant dans le bateau, et nous alternions des sommes de 40 minutes chacun.

Résultat, après seulement 8 jours de nav', le pilote auto a fini par nous lâcher définitivement alors que nous sortions de la zone de perturbations sur les cartes. 
750 miles encore devant la proue et un équipage fatigué ; une décision s'imposait.
Le cap't'ain essaie de réparer mais sur une mer creusée la tâche est compliquée.
Atteindre la Martinique nous prendrait encore 5 jours mais le plus dur serait de se relayer à la barre.

Avocet montre également des signes de fatigue. La drisse de foc s'était cassée deux jours avant et nous observons également une faiblesse sur la bôme.

Après étude rapide des différentes options, le plus sage est de se diriger vers l'escale la plus proche. Ce sera donc les Îles du Salut et Kourou pour la réparation.
Après 12 heures à barrer à tour de rôle, nous arrivons au mouillage de l'Île Saint-Joseph à 1 heure du matin. En général, nous évitons les arrivées de nuit mais cette fois-ci, nous n'avons pas le choix. La manoeuvre n'est pas compliquée. Le mouillage est très large et peu fréquenté. Un catamaran seulement quand nous arrivons.


Escale courte aux Îles du Salut


Kourou devant l'étrave... enfin !
Cependant, l'abri est très rouleur et nous décidons de remonter le chenal de Kourou pour mouiller l'ancre dans le fleuve.
Nous resterons trois petits jours à Kourou le temps de la réparation.

L'entrée de Kourou

Le mouillage sur le fleuve Kourou et la micro marina
Grâce à Jean-Luc qui nous apportera une aide précieuse, le pilote auto est remonté en moins d'une journée.
Nous l'avons rencontré au mouillage. Après un retour de 10 ans en France, l'envie de repartir sur son bateau était plus forte. Comble de la surprise, il a fait ses classes sur la Garonne près du barrage de Carbonne (village d'origine de ma famille !!!).
Comme quoi, rien n'est impossible. Ce n'est pas parce qu'on est éloigné de la mer que l'envie de naviguer ne peut pas se créer.

Finalement, l'escale aura été sympathique. Nous avons même assister à la parade du Carnaval.
De toute façon, même avec plus de temps devant nous, nous n'aurions pas étendu notre séjour plus longtemps. Kourou reste une ville assez triste où le métissage est presque inexistant.


Les couleurs du Carnaval réchauffent le coeur
... avec des airs de Brésil


Il est temps pour Avocet de reprendre le Cap des Antilles.
Espérons que le ciel soit clément. Cette fois-ci, nous partons un mardi… on ne sait jamais !
La reprise se présente sous les meilleures auspices. Les vents sont bons et bien établis. Le soleil brille. Les batteries se chargent à bloc. Nous faisons même 195 miles nautiques (soit 8,1 noeuds/h) le lendemain. Cela remonte le moral des troupes !!

Malheureusement, l'enthousiasme aura été de courte durée.
Après seulement 48h de nav', le pilote auto fraîchement réparé, nous joue encore des tours et nous lâche pour la seconde fois sur cette traversée.
Pour l'équipage, c'est la goutte d'eau de trop et les nerfs sont tendus au maximum. Aux vues de la configuration des nouvelles escales possibles et surtout de l'impératif du 5 mars, nous prenons la décision de continuer la route vers la Martinique, soit 380 miles devant l'étrave.
Selon les vents et les courants, le trajet pourra prendre entre 2 et 3 jours. S'ajoute à cela la relative fatigue physique et psychologique de l'équipage qui s'apprête à barrer non stop jusqu'à la baie du Marin. Avec une mer toujours bien formée, les heures qui défilent à présent sont interminables…

La nuit et le jour, nous changeons de barreur environ toutes les 2 heures. Les émissions de podcast téléchargées nous aident cependant à rester bien éveillés et gardent l'esprit occupé pendant que notre équipier prend du repos.
La barre est assez dure et nous jouons avec les voiles afin de trouver le meilleur équilibre.
Nous ne voulons pas trop réduire cependant même si c'est plus fatiguant, car le moindre mile effectué réduit le temps de navigation à venir.

Vive les podcasts !!

Le Cap't'ain garde le moral

Et les vents changent à l'abord des premières îles des Antilles avec des effets de côte qui diminuent alors notre allure et allongent d'une journée supplémentaire la moyenne établie.
Le moral en reprend un coup à 160 miles de l'arrivée.
Heureusement, ça ne durera que quelques heures. Le vent se lève à nouveau avec même une survente en pleine nuit au large de la Barbade qui nous oblige à prendre un ris supplémentaire dans la grand voile.
Nous essayons de rester solidaires et de contenir le stress, la nervosité et la fatigue.

Mais l'arrivée est proche. Avocet longe maintenant Sainte-Lucie et nous apercevons la Martinique à l'étrave.
Nous aurons finalement mis 4 jours depuis Kourou, ce qui représente une bonne moyenne.
L'équipage est épuisé mais heureux d'avoir enfin mouillé l'ancre dans la baie du Marin.
Cette traversée restera décidément gravée dans notre mémoire et conditionnera certainement la suite de notre aventure.

Nous reconnaissons des bateaux-amis à l'ancre eux-aussi. Cela va nous aider à reprendre du courage et des forces très diminuées ces derniers jours...