mercredi 6 août 2014

Derniers miles...

D'ici 2 heures nous atteindrons Port-Saint-Louis… fin du voyage.
Le moteur tourne depuis 6 heures ce matin. Malgré un fichier météo plutôt optimiste aux vues des vents portants, le ronron de l'engin a rythmé le tempo plus que de raison ces derniers jours.
Ce n'est pas dans nos habitudes de le mettre en route pour un oui ou pour un non mais depuis qu'Avocet a retrouvé les eaux méditerranéennes, les options ne sont pas multiples. 
Mieux vaut mettre le moteur que de rester à attendre la moindre brise et se prendre un coup de Tramontane qui vous fera regretter rapidement votre indécision.

Vila do Porto, la dernière escale des Açores est maintenant à plus de 1660 miles (presque 3000 km) dans le sillage. Les premiers jours de nav' se sont faits dans de belles conditions, comme si l'océan et le ciel nous offraient leurs cadeaux d'adieu. L'allure a été paisible. Pas de gros temps et un bon 5.8 noeuds de moyenne. 

Avocet à Vila do Porto avant le départ

17 juillet, jour du départ, un magnifique groupe de globicéphales nous accompagnera quelques minutes alors que les côtes de Santa Maria sont encore visibles à l'horizon. Plus tard, de grands dauphins gris feront leur apparition à l'étrave. Ces moments sont magiques. Encore des présents de la nature que nous savourons plus intensément que d'habitude car ils font partie des derniers.

Quelques jours de croisière passent. Un grand calme prend possession des éléments depuis un petit moment déjà. La mer n'offre plus aucun signe de résistance et s'étale autour du bateau comme un immense drap de soie. Les reflets à la tombée du jour se propagent à l'infini dans ce lac océanique. Nous décidons de profiter de cet instant au maximum et sortons la table dans le cockpit. Pour une fois, nous dînerons à plat. C'est une première. Comme pour ajouter au tableau enchanteur qui nous entoure, la faune manifeste sa présence de manière inattendue. Les eaux devant être poissonneuses à cet endroit, nous commençons par apercevoir des pétrels à une centaine de mètres. Ils se posent par groupes et s'attellent au repas goulument.
Très vite, désirant participer au festin, des dauphins apparaissent. Ne voulant pas en perdre une miette, ils arrivent par dizaines. Nous ne savons plus où donner de la tête pour immortaliser chaque image dans nos mémoires. En y regardant de plus près, certains ailerons retiennent notre attention… il n'y a pas que des dauphins… les baleines sont aussi de la partie. La curiosité de les voir de plus près est grande mais la prudence est de mise. Ce sont des animaux sauvages qu'il vaut mieux ne pas déranger. D'autant plus, que nous sommes aux premières loges.
C'est incroyable ! Sous nos yeux, se déroule un moment unique qui ne se représentera certainement pas deux fois. Tout est là, tout est beau. L'océan, les lumières rasantes du coucher de soleil, la vie marine… C'est le ballet de clôture du spectacle qui s'offre à nous depuis 1,5 ans déjà que nous parcourons les mers et les océans. Un genre d'apothéose que l'Atlantique a bien voulu nous concéder. 
Même si la lutte n'a pas toujours été facile, le challenge a été relevé. Avec courage, ténacité et humilité, Avocet a roulé son ventre dans cet océan à la fois docile au sud et revêche au nord. C'est autour de lui avec une présence permanente que l'équipage se sera forgé ses premiers souvenirs d'aventure et de découverte sur les mers.

Dauphins de l'Atlantique

Rorqual au loin
Au revoir l'Atlantique

Deux jours après, nous atteindrons Gibraltar. Les portes de la Méditerranée s'ouvriront alors à nous et avec elles, celles du retour à la "normalité". 

En bateau, les marins le savent, on oublie vite les déconvenues. Quand on arrive à l'escale ou quand des moments de plénitude se présentent au milieu des mers, les instants de stress et de panique sont vite effacés.

Et cette règle s'est vérifiée une fois de plus… les premiers miles en Méditerranée quand ses eaux se mélangent à celles de l'Atlantique, nous a réservé une cuvée spéciale avec un coup de vent à 30 noeuds tout au long du détroit. Avocet arrivant toutes voiles dehors, en ciseau avec le yankee tangonné n'a pas démérité. Bombant fièrement le torse plein vent arrière à plus de 10 noeuds constant, il passe devant le rocher presque en le narguant… malheureusement, celui-ci n'a pas du apprécier. Le vent s'engouffrant en rafales dans les voiles et la mer devenant menaçante, le bateau est parti au lof sans que le Cap'tain ne puisse plus contrôler la situation. Cela est devenu périlleux et une manille a lâché détachant dans sa course la drisse de foc. Le Yankee ainsi libéré a voulu prendre la poudre d'escampette et s'octroyer un petit bain de mer. Heureusement retenu par les écoutes, c'est avec difficulté et après un quart d'heure de manoeuvre dans une mer coriace et des rafales successives que nous avons pu le remonter à bord.
Deux empannages plus tard et un pouce blessé, Avocet a repris le cap toujours à toute allure. Ce coup de vent nous a portés pendant plusieurs heures jusqu'à la tombée du jour.

Monstre des mers moderne

Europa point - Gibraltar

A 10 noeuds dans le détroit

Trafic local... un peu encombré !

S'en est suivi une nuit calme... au moteur… Après les vents violents : pétole !! 
Bienvenue en Méditerranée ! Nous avions oublié mais finalement, la mémoire est revenue par la force des choses.
Dans cette mer, rien n'est constant. C'est tout noir ou tout blanc. C'est calme ou violent ! Et même avec un fichier météo récent, il faut s'attendre à quelques entourloupes. 
Après arrêt à Almérimar pour réparation du Yankee, nous avons parcouru les derniers 700 miles en s'arrêtant de temps en temps. Soit parce que qu'il n'y avait pas de vent, soit parce qu'il y en avait trop !

La First Mate à la réparation du Yankee


Les calmes de la Méditerranée

Notre dernière escale a été Port de Soller. Dans nos prévisions, nous pensions y rester quelques jours mais comme la météo se présentait plutôt bien pour les prochaines 48 heures, nous avons fait seulement un stop de quelques heures manière de remplir les réservoirs d'essence et de reprendre un fichier météo à jour.

Ca y est, la boucle est bouclée… Après 1,5 an de voyage, celui-ci se termine à Port-Napoléon dans quelques heures.

Arrivée à Fos sur mer

Tant de miles parcourus, tant de pays découverts et de personnes rencontrées. Les souvenirs sont bien au chaud dans nos cerveaux et ne sont pas prêts d'y être délogés. Les bons moments comme les mauvais sont inscrits au plus profond de nos êtres.

Demain, ce sera le début d'une autre aventure. Il faudra revenir à une vie que nous connaissons déjà mais avec des paramètres différents. Aussi bien au niveau de l'environnement (nous changeons de ville) qu'au niveau psychologique. Après un tel voyage, notre état d'esprit a évolué. Nous avons grandi au rythme des rencontres et des expériences de ces derniers mois. Ceci constituera un avantage supplémentaire dans notre quotidien et sera un bon moyen de nous évader des contraintes quand celles-ci seront trop pesantes. La vie ne sera certainement pas plus facile qu'avant mais elle n'en sera certainement pas plus dure. A bien des moments, nous avons dû gérer des situations difficiles sans avoir le matelas de sécurité très caractéristique de nos sociétés modernes. Quand on joue de plus près avec le feu, on se brûle davantage mais on s'endurcit ! Une nouvelle confiance naît. On se sent capable de davantage de choses. On se sent plus fort.

Les habitudes de terriens vont certainement nous rattraper plus vite que nous le pensons, mais dans la mesure du possible, nous ne voulons pas oublier les expériences acquises et trouver un moyen d'appliquer au mieux tous les enseignements appris !


To be continued...