Quatre petits jours à Ibiza qui ne nous auront
pas laissés en voir grand chose.
Nous sommes arrivés dans la cala Portinatx
après un peu plus de 24h de nav depuis Mahon qui se sont déroulés sans problèmes en longeant
la côte est de Majorque. Ce mouillage nous a enchanté et laissé présager une
bonne semaine sur Ibiza.
Le lendemain, avec des vents favorables, nous
renvoyions les voiles direction la baie de San Antonio, camp de base idéal pour
une visite éventuelle de l’île.
Mouillage de San Antonio |
Ce mouillage est assez vaste et protégé de tous les vents excepté le nord ouest.
Après un ancrage en douceur dans le mouillage
un peu encombré nous sommes descendu à terre pour découvrir une ville faite sur
mesure pour la jeunesse décadente anglaise.
Là-bas, l’apéro commence à 9h du mat et
se finit sensiblement à la même heure le lendemain. Les rues sont bondées de
jeunes en maillots fluo, gonflant leurs pecs pour la gente masculine ou
exhibant leur poitrine siliconée sous des micros bouts de tissus pour les
filles. Les hauts-parleurs dégueulent leur musique techno à tous les coins de
rue et le mot d’ordre est de faire n’importe quoi jusqu'à épuisement sans
jamais descendre à moins de 2 gr d’alcool dans le sang.
Le soir où l’on est descendu, c’était soirée
tigre (grrr) dans toute la ville… ambiance électrique pour une jeunesse désabusée
en recherche de repères, qui nous a fait nous sentir vieux et très très loin…
Mais bon, apparemment, la ville d’Ibiza à
quelques kilomètres de là, vaut quand même le détour, alors on décide de rester
prévoyant une visite le surlendemain.
Seulement voilà, les choses ne se sont pas
vraiment passées comme prévu.
Dans la deuxième nuit au mouillage, la météo
prévoyait une petite force 4-5 de secteur Sud Ouest. Qu’à cela ne tienne, on a envoyé
un peu plus de chaîne (40 m dans 6 m d’eau) et on se dit qu’on sera vigilant si
le vent se lève.
Dodo pour tout le monde donc, tout en gardant
un œil ouvert…
A 4h du matin, réveil brutal par un choc sur
la coque.
Allons bon, qu’est ce qui se passe ?
Sortie rapide sur le pont pour voir un bateau
espagnol d’une douzaine de mètres collé sur notre avant tribord. Il n’y a
pourtant pas encore tant de vent que ça, mais avec leurs techniques de
mouillage très amateurs-ish, ce n’est pas étonnant que les saisonniers locaux
dérapent dès le moindre souffle. On n’a juste pas eu de chance que celui-ci vienne
nous chatouiller les flans. Bon, plus de peur que de mal, il repart avec des
dommages se limitant à un petit scratch sur la coque qui devrait être rattrapable
avec du polish et de l’huile de coude. Tout va « encore » bien.
Seulement voilà, dans la demi-heure qu’a duré
l’événement, le vent est monté et a tourné à l’ouest laissant le mouillage
ouvert. C’est maintenant un 20 noeuds établi et un clapot court de 1m
qui nous fait tanguer. On est confiant dans notre ancre, mais après on ne sait
jamais, d’ici qu’un autre espinguoin décide de venir nous voir de trop près, on
préfère rester dans le cockpit en veille.
Quelques pare-battages sont mis à l’avant et à
l’arrière et on se prépare un petit café pour se tenir éveillés.
Vers 5h30, un ketch espagnol de 18 m qui était
jusqu’alors ancré sur notre tribord, se rapprochant dangereusement du bateau
derrière lui, décide de relever l’ancre. Et là, tout s’enchaine très vite.
Après avoir récupéré leur ancre, ils mettent la barre à tribord voulant passer
quelques mètres devant nous, mais n’ayant pas tenu compte de leur dérive
perpendiculaire au vent, ils se retrouvent rapidement sur notre chaîne (qui se
prend entre leur quille et leur gouvernail) puis sur notre étrave. Notre main
de fer (bout soulageant le guindeau) se coince dans leur hélice qui s’arrête
net, et on se retrouve entremêlé avec notre étrave labourant leur arrière
babord. Sous la pression, notre balcon en inox, qui faisait office de pare-choc
cède et se plie, notre ancre dérape sous la pression des deux bateaux maintenant
collés, et nous voilà dérivant non-manoeuvrant dans un mouillage bondé. Pendant
que je suis à l’étrave essayant de séparer nos deux coques, Corinne est à la
barre essayant de jouer du moteur pour nous espacer. En quelques secondes, nous
arrivons sur un autre bateau qui alarmé par les cris de Corinne tente une
manœuvre d’évitement mais se fait cogner à plusieurs reprises par le 18 m.
Heureusement, l’ancre du bateau nous ayant
abordé (et que le skipper avait rejeté dans la panique) trouva enfin une
accroche, et les trois bateaux stoppèrent enfin leur danse folle à une centaine
de mètres de la plage par 3 mètres de fond… gloups.
La situation se stabilisant, on décide tous
d’attendre le lever du jour (et enfin prendre notre café « nom de
diou »).
Bilan des courses, notre balcon est salement
endommagé (et devra probablement être remplacé), quelques scratches sur la
coque et notre feu de navigation avant fait maintenant face à l’arrière…
c’est-à-dire presque rien en comparaison de ce qui aurait pu se passer…
Nouveau design du balcon |
Notre responsabilité n’est heureusement pas
engagée et la faute incombe entièrement au voilier espagnol. Maintenant c’est
aux assurances de jouer…
Le bon côté est que cette aventure nous aura
permis de rencontrer les propriétaires du beau catamaran français sur qui nous
avons dérivé. Jacqueline et Jean-Pierre sont de jeunes retraités qui comme nous
ont décidé de vivre sur l’eau. Nous avons très vite sympathisé autour d’un café,
puis d’un apéro… Une de ces rencontres improbables à terre mais que nous
affectionnant tout particulièrement depuis le début de notre aventure. Ils se
dirigent également vers les Canaries après la saison, donc espérons que nos
sillages se recroiseront.
J’écris ces lignes alors que nous faisons
route vers Valence par calme plat. On devrait trouver là-bas tout le savoir-faire
nécessaire pour lancer les réparations adéquates et redonner à notre Avocet sa
fière allure.
Valence est aussi l’escale où les parents de
Corinne nous rejoindront pour partager avec nous quelques jours à bord.