lundi 16 décembre 2013

A nous l'Atlantique !

4h du mat'. Capt'ain & First Mate en veille sur le pont... Chimiquiers et autres tankers en vue et sur notre route de collision !
C'est notre dernière nuit, et à l'approche de la pointe est du Brésil, le trafic maritime se fait dense. Retour à la civilisation... déjà...

Ayant pris mon quart vers minuit, grand voile et yankee tirant allègrement Avocet à 7 noeuds de travers, je commence à sentir une certaine excitation. Le Brésil n'est plus qu'à une quarantaine de miles... La terre est toute proche. Il fait nuit noire et rien ne brille à l'horizon, comme à chaque veille depuis notre départ du Cap-Vert.

Mais voilà, qu'après 2h de nav' à rêvasser sur la prochaine escale, une lumière scintille au loin sur Tribord... Vite, les jumelles... est-ce vraiment un bateau ? ou serait-ce mes yeux qui me jouent des tours !!
Après réglage de la longue vue, c'est confirmé... un beau cargo comme nous n'en avions pas vu depuis longtemps...
A partir de maintenant, la vigilance est de mise. J'allume l'AIS (Automatic Identification System, en français "Système de géolocalisation automatique") pour vérifier le cap exact de cet intrus. Bingo... en pleine ligne de collision (heureusement pas avant une bonne heure...)
Et puis, s'affichent d'autres icônes sur l'écran. C'est la route de la soie ma parole... 3 bateaux supplémentaires s'ajoutent au premier, eux aussi croisant notre sillon dans les deux heures à venir. Ca va être sport !!
Mieux vaut réveiller le Capt'ain. Nous ne serons pas trop de deux à observer le manège de ces coques d'acier et prendre les décisions qui s'imposent le cas échéant.

Après 11 jours de traversée, il est bel et bien fini le temps des quarts solitaires...
Nos seules activités nocturnes consistaient à régler les voiles (quoique minime dans les vents d'alizés) et le pilote automatique (quand celui-ci décrochait sous la force d'une vague nonchalante).
Ce sentiment, juste, d'être loin de tout et de tout le monde, de posséder une part d'océan rien que pour nous, est à présent derrière.

Même si en partant, l'objectif est d'atteindre le Brésil pour découvrir les Amériques et poser pour la première fois nos pieds sur ce sol inconnu (la traversée relevant du challenge et du "on n'a pas le choix pour rejoindre l'autre côté"), il est finalement grisant de rester plusieurs jours coupé du monde, prenant pleine possession de cet espace bleu et ouaté !
De nouvelles habitudes se créent ; les livres sont engloutis ; les leurres sont lancés ; les casseroles mises en route...
Il faut jouer avec les vents et les voiles pour prendre chaque souffle que dame nature veut bien nous concéder.

Départ de Santiago

En mer

Le poteau noir est même passé sous les meilleures auspices. En tout et pour tout, 30 h de moteur à déclarer depuis le départ de Tarrafal et ce en plusieurs traites. Comparé aux 72 h planifiées, c'est finalement une aubaine.
Les périodes de calme ont surtout été bénéfiques à la prise d'un poisson. Une jolie bonite de 6/7 kg qui nous a fait 3 jours de repas. Avec notre nouvelle installation sur le balcon arrière d'Avocet, elle ne risquait pas de nous échapper !

L'expérience est finalement unique.
Les nuages se lient et se délient sur le trajet d'Avocet. Les cumulonimbus se mettent à dessiner toutes sortes de tableaux dans un ciel pur. Ici un troupeau de moutons fuit devant un loup affamé. Là-bas, un 3 mâts cotonneux s'envole vers une route céleste.
Les grains ne nous épargnent cependant pas et nous réservent de belles douches de jour comme de nuit. Avocet est ainsi débarrassé de son sel tous les deux jours !

Premiers grains

Douche en perspective

La lune ne sera présente que quelques heures par nuit et dans une sens opposé à l'hémisphère Nord. Nouveau phénomène pour nous ! Nouvelles images !
Mais en cette dernière nuit, le halo lumineux, lointain, de la ville remplace celle-ci, et présage le retour de l'équipage au monde civilisé.

Nous apercevons les balises vertes et rouges du chenal de Rio Paraiba. Cinq miles encore et Jacaré Village sera une réalité.



Ca y est...

... on y est!

Nous attendons l'étal pour amarrer Avocet au ponton. Ca y est, nous posons nos pieds à terre. L'acceuil est chaleureux. Francis, un des patrons, est là pour nous accueillir.
Rapidement, nous lions connaissance avec les autres équipages. Jacaré village est une petite marina loin des lieux touristiques et nous ne pouvions pas rêver mieux pour "atterrir en douceur"...

L'intégration au reste de la petite communauté est immédiate. Entre Francis, Max, Aranxa et Panxo, Didier et Dominique, Patrick et Aline, nous réapprenons à profiter des joies de l'escale !

L'aventure a été belle... une autre nous attend.
Enfin, nous atteignons les Amériques... un petit pas pour l'humanité, un grand pas pour Avocet !


dimanche 15 décembre 2013

Le Cap-Vert ou la douceur de vivre

Voilà presque deux mois que nous n'avions pu raconter nos aventures. Le temps passe à une allure folle et notre rythme de vie change et s'adapte au jour le jour.
Nous prenons réellement conscience de ce que nous avons la chance d'accomplir.
Après avoir quitté nos vies françaises bien huilées depuis un an maintenant, le chemin parcouru nous apparaît déjà grand en miles et riche de rencontres humaines !!

Notre départ de Lyon, le petit tour à Toulouse pour dire au revoir à nos familles, les 3 premiers mois de travail acharné sur Avocet en Grèce, les différentes escales méditerranéennes... que de souvenirs dans nos têtes depuis décembre 2012.

Heureusement, l'heure n'est pas encore au compte-rendu. Il nous reste tant à découvrir. Nous prenons pleine possession des avantages de cette nouvelle vie et ce serait très dur de se dire que tout s'arrête demain...

Nous sommes au Brésil depuis une semaine déjà avec une connexion Internet meilleure que ces deux derniers mois. A la bonne heure !!
Il est temps de rattraper le retard accumulé, et même si le Cap-Vert est loin derrière nous, il fallait absolument consacrer un post à ce beau pays !!

Nous avons donc quitté les Canaries au mouillage très rouleur de la Gomera.
Après cette dernière escale espagnole magnifique, Avocet a mis les voiles l'après-midi du 25 octobre plein sud vers Mindelo sur l'île de Sao Vincente.
Aux vues de nos différentes expériences en traversée (somme toute plutôt courtes), nous tablons sur 6 jours pour rejoindre le Cap-Vert.

El Hierro vu de La Gomera la veille du départ

Coucher de soleil sur El Hierro en mer

C'était sans compter les vents plus forts que prévus relevés sur "Weather 4D". Finalement, la coque et les voiles d'Avocet sillonneront dans des vents constants de 20/25 noeuds au milieu d'une mer croisée de 2 m de houle en moyenne !!
Prenant le vent au portant, l'allure a été bonne et bien cadencée, ce qui nous a permis d'apercevoir les côtes cap-verdiennes le 30 octobre. 5 jours pour relier ces deux archipels !!
L'équipage est ravi, pas d'avarie à déclarer. Avocet va pouvoir se reposer !!

Pêche infructueuse durant la traversée malgré plusieurs touches

Arrivée devant les côtes de Sao Vincente

Enfin au mouillage

Nous retrouvons nos amis d'El Vadrouille, au mouillage très sûr de Mindelo. Etant arrivés le matin, ils avaient déjà lié connaissance avec Pascal (un français venu s'établir ici depuis quelques années pour développer une activité de guide touristique "A la Carte") et nous nous sommes joints à ce petit groupe sympathique pour découvrir les richesses de ce pays.

Les rencontres n'ont fait que se multiplier pendant les 10 premiers jours avec une trentaine de bateaux au mouillage.
Ce fût l'occasion d'échanger les souvenirs d'escales, les bons plans à Mindelo pour manger typique ou découvrir des endroits non spoliés par le tourisme.

Pascal, avec sa voiture tout terrain qui n'en est pas vraiment une...
Rencontres locales dans des endroits improbables
Village de pécheurs de San Pedro

Grâce à Pascal devenu un ami, nous avons goûter les feijoada locales (espèce de cassoulet portugais à base de haricots secs de toutes sortes), les hamburgers typiques (prononcés "hamborgoch") avec une superposition de viande, frites, poisson, oignons, fromage et autres aliments tenus secret par son créateur !! Le tout souvent arrosé du grog local (rhum typique).

Le marché au poisson a été également l'occasion de régaler nos papilles. Des petits mérous rouges, du thon, de l'espadon, des lambis (mollusques exotiques)... tout n'était que régal !!

Mais l'escale ne serait pas aussi agréable sans ses habitants. Là-bas, les gens sont tout sourire, le rythme est cool. Le mot d'ordre est Farniente. Ce qui n'est pas pour nous déplaire d'autant plus quand la température avoisine les 30/35°C avec un soleil à son zénith car plus proche de l'équateur.

10 jours plus tard, nous disons au revoir à El Vadrouil' qui quitte le Cap-Vert direction les Antilles !!
Bon voyage les amis ! On se retrouve bientôt !!

De notre côté, nous restons encore un peu. Le Cap-Vert a tant à offrir.
Nos amis Lyonnais Angie et Oliv' arrivent ce soir pour une semaine de vacances... C'est génial, nous n'avions pas eu de visites depuis quelques mois. Nous leur ferons découvrir la vie au mouillage. ET, dans leurs bagages, ils nous emmènent une machine à glaçons !!! Si c'est pas un luxe ça !! N'ayant pas de freezer, ce petit appareil va transformer nos boissons !! Encore merci.

L'avion arrive à l'heure et nous les récupérons à San Pedro où les retrouvailles font chaud au coeur.
Partager notre nouvelle vie avec des proches est toujours un moment de plaisir empruntée de fierté.
Et c'est aussi avec eux que nous avons passé un des séjours les plus mémorables depuis que nous sommes partis.
Grâce à Pascal, nous allons visiter l'île de Santo Antao, à 2 miles de Mindelo. 3 jours de trek au nord en feront une expérience à jamais inscrite dans nos mémoires.
Les paysages que nous avons découverts là-bas semblent irréels tellement les couleurs sont pures et lumineuses.
A chaque changement de vallée, les contrastes sont saisissants.
Bien sûr, nous avons les jambes douloureuses dès le deuxième jour mais pour rien au monde, nous n'aurions stoppé cette randonnée majestueuse.

Pêcheurs de Porto Novo

Pascal, Francis, Bertrand et Corinne

La route des crêtes 

Cratère cultivé

Descente de la vallée de Paul

Avec nos Lyonnais

Toujours grâce à Pascal qui connait cette île sur le bout des doigts, qui parle le créole cap-verdien et qui est totalement intégré à la culture locale et aux gens qui l'honorent à merveille, nous accédons à des endroits reculés, coupés du monde.
Les heures passent, les paysages sont renversants, les arrêts gastronomiques toujours plus intéressants les uns que les autres.
Les mots sont difficiles à trouver pour exprimer l'état de béatitude avec lequel nous avons vécu ces 3 jours.

Les images sont encore le meilleur moyen de vous transmettre une part de cette nature préservée mais rien ne vaut le déplacement.
Notre séjour fût finalement court sur l'île de Santo Antao mais des treks de plusieurs semaines sont possibles avec des découvertes différents à chaque pas...
Nous ne pouvons que conseiller cette escale... C'est un ravissement des yeux et des papilles.
Nos amis repartirons quelques jours plus tard avec des étoiles plein les yeux.






















....Et nous... nous décidons de rester encore un peu. Nous attendons les bons vents mais c'est aussi un prétexte pour profiter encore de la douceur cap-verdienne.
Cette destination a été la première à nous procurer autant de dépaysement, et ce à tous les niveaux.

Après 3 semaines, nous quittons finalement Mindelo en direction de Tarrafal sur l'île de Santiago.
C'est une escale qui fait partie de l'archipel sud du Cap-Vert.  Ce sera notre dernier arrêt avant la grande traversée de l'Atlantique !!

Nous pensions ne rester que deux jours avant de prendre le large mais là encore, nous sommes rattrapés par le charme du petit village de pêcheur. Seulement 3 voiliers au mouillage. Un eau limpide et chaude.
Entre baignade, chasse sous-marine et grillade avec les locaux, les bons moments s'enchaînent et nous prolongeons ces instants magiques une semaine durant.

L'appel de la mer se fait cependant bien présent. Avocet veut à nouveau sentir le vent dans ses voiles et puis le Brésil nous attend de l'autre côté.
Les dernières provisions achetées, nous remontons l'ancre, cette fois-ci pour un petit moment. C'est maintenant 1600 miles qui nous attendent pour rejoindre la marina Jacaré Village près de Joao Pessoa.

Une excitation mêlée de quelques craintes nous tenaillent mais le challenge est grand. Ce sera notre première longue traversée. Nous attendions celle-ci en secret sans jamais trop l'évoquer. Maintenant, nous serons face aux éléments pour presque deux semaines.
C'est parti. Rendez-vous de l'autre côté !!!

mardi 22 octobre 2013

Changement de décor

Mohammedia fût notre dernière escale sur le continent africain. Ce n’était pas au programme mais Lola (globe-trotteuse belge rencontrée à Gib) nous a fait la surprise de débarquer à Rabat avec son ami Giacomo. Leur but était de rejoindre le Sénégal en traversant l’Afrique. Tous les deux avaient également l’envie de tester un jour la navigation à voile… C’est avec plaisir que nous leur avons proposé de les déposer à Essaouira avec une halte à Mohammedia pour commencer en douceur.
L’accueil au Maroc nous a tellement plu que nous hésitions entre partir vers les Canaries ou prolonger de quelques jours notre séjour africain. Finalement, c’est la 2ème option qui sera retenue !
Malheureusement, nos deux matelots ont souffert du mal de mer et nos routes se sont finalement séparés à Mohammedia.
Une brève halte de 4 jours nous a cependant permis de visiter Casablanca et de rencontrer de nouveaux compagnons de voyage (Pauline et Vincent sur Criquet / Francis et Bertrand sur El Vadrouille).








Et c’est à quelques heures près que nous avons tous pris le chemin vers les Canaries.
Les bons vents étant établis, Avocet ne pouvait pas attendre un jour de plus pour mettre les voiles !!

Après 3 jours (71 heures exactement avec 6.5 noeuds de moyenne… magnifique), nous mouillons l’ancre à Playa Francesa.



Cette escale vaut le détour. Sur La Graciosa (1ère île au Nord des Canaries), la vie s’est arrêtée. Le seul village est déserté des touristes et nous apprécions le calme dans toute sa splendeur. Les routes bétonnées n’existent pas. Les rues sont ensablées. Même les tongs ont droit à des vacances. Vive les pieds nus toute la journée.






Un cratère domine le mouillage. Il n’en fallait pas davantage pour que les 3 équipages prennent leur courage à deux mains afin de gravir les 164 m de ce promontoire. Vue superbe sur toute l’île et un peu d'exercice  ça ne fait pas de mal aux gambettes qui ont tendance à se la couler douce sur le bateau.





Après une semaine de détente et de soirées sur les différents voiliers, il est temps de reprendre la mer.
Notre choix est clair. Nous voulons rester loin des îles très touristiques  Ce sera donc direction La Palma.
220 miles plus tard, nous n’avons pas vraiment le choix des mouillages. Il n’y en a pas. Nous nous amarrons donc à la marina de Santa Cruz, ville principale de l’île.
Très bonne escale. Les marineros sont sympas et accueillants et la marina très bien entretenue. Un léger rouli est seulement a déploré mais nous y étions par grand calme donc rien de très gênant.
“Marina” signifie aussi pour l’équipage “Arrêt technique”. Avocet a ainsi subi un prélavage, lavage et relavage de la quille au Yankee !! Tout y est passé. Les réservoirs d’eaux également car une eau de source est disponible au ponton. Que demander de plus…
N’oublions pas que les Canaries sont aussi la dernière escale où il est possible de faire des courses pour la traversée de l’Atlantique. Santa Cruz, ville typique avec ses balcons de l’époque coloniale, offre également des commodités pour le réapprovisionnement.
Nous décidons donc de louer une voiture pour les deux jours à venir ou "Comment allier plaisir et pratique !"



Cette île est la plus verte de l’archipel et de belles perspectives de balades s’offrent à nous.
Nous partons donc le lendemain à 6h du matin pour monter à l’observatoire d’astrophysique à plus de 2400 m. Nous étions partis en short mais les hauteurs ont eu raison de notre résistance et les vestes polaires ont vite été sorties du sac. -5°C en haut !!
Mais éblouissement garanti. Un lever de soleil derrière les montagnes sur une mer de nuages. Quelques instants de calme et de pureté ! Majestueux.






Et la suite des visites ne nous a pas déçus. L’île regorge de contrastes. Elle est constituée de forêts luxuriantes au nord avec une flore très variée et conserve une activité volcanique au sud avec les volcans de San Antonio et Tenegia.
Des plantations de bananes sont entretenues dans les moindres recoins de l’île du fait d'un climat privilégié.






Partout sur le territoire poussent également les figuiers de barbarie. Le Capitaine n’hésite pas une seconde. Des provisions gratuites pour le bateau. Ce serait dommage de s’en priver. Mais gare aux glochides. Et oui toute médaille a son revers. Les figues de barbaries sont recouvertes de petites épines presque invisibles. Et une fois piquées dans la peau, il est difficile de les enlever. 3 jours après, nous en avions encore !!
La pointe sud (Punta de Fuencaliente) abrite également des salines. La réserve de sel est faite pour le bateau. Au moins on sait d’où il vient !



Ca y est le bateau est prêt pour un nouveau départ.

Le 9 novembre nous devons impérativement être au Cap Vert où nos amis nous rejoignent. Donc pas trop le temps de traîner et puis la marina a un coût.

Prochaine escale :  l’île de La Gomera, point de départ de Christophe Colomb vers les Amériques.
Nous prévoyons d’y rester deux jours avant de profiter des bons vents vers le Cap Vert.
Il ne nous a fallu que quelques heures pour rejoindre cette dernière escale mais malheureusement, éole n’a pas été de notre côté. Pétole… moteur pendant 8 heures.
Mais la grande nouvelle, c’est que nous avons pris notre premier poisson à la traîne… Une belle dorade coryphène. On peut dire qu’elle a eu une belle mort. Endormi au Havana Club de 7 ans d’âge par le Cap’tain…
Et ce soir, ce sera papillote au BBQ. L’équipage s’en pourlèche les babines d’avance. Enfin, une vraie vie de vagabonds des mers…